Margery de Kempe

Vers 1373-vers 1440

Laïque et autobiographe

Une vie bien remplie. Margery of Kempe a écrit la première autobiographie en anglais, communément appelée Le livre de Margery Kempe (1436-1438), qui relate les aspirations spirituelles d'une laïque bourgeoise à travers ses expériences mystiques, ses pèlerinages et ses voyages en Terre Sainte, en Italie, en Espagne et en Allemagne. Kempe est né vers 1373 à King's Lynn à Norfolk, en Angleterre, de parents de la classe moyenne. Son père était localement actif en tant que maire de Lynn. Elle épousa John Kempe vers 1393. À l'âge de quarante ans, elle avait donné naissance à quatorze enfants et négocié un vœu conjoint de chasteté avec son mari par la suite. Elle était active dans la société commerciale, ayant organisé des travaux publics, investi des capitaux et dirigé une entreprise de brassage. Les dernières références à elle surviennent en 1438 lorsqu'elle fut admise à la prestigieuse Guilde de la Trinité, et elle est à nouveau mentionnée l'année suivante. Le manuscrit original de sa vie a été perdu, mais il était disponible à Mount Grace Priory, Yorkshire, à la fin du Moyen Âge, où plusieurs moines locaux ont ajouté leurs commentaires individuels dans les marges du texte. En 1501, Wynkyn de Worde publia des extraits de son livre sous forme de brochure. Les fonds de la British Library comprennent un exemplaire du XVe siècle de son manuscrit.

Visions interprétées. Des recherches récentes ont revitalisé la compréhension de son texte en le plaçant dans les pratiques de dévotion du XVe siècle axées sur les images corporelles du Christ. Ces images sont issues des arts visuels et du théâtre. Les visions de Margery reflétaient des habitudes d'esprit qui évoquaient de telles représentations comme une forme de théâtre de dévotion. Ils ont montré une dette verbale et typologique omniprésente envers les Le reflet du Christ traduit par Nicholas Love en 1410. Cette preuve réfute les opinions des savants selon lesquelles ses expériences étaient aberrantes ou pathologiques. Ses visions rendaient hommage aux textes, images et reliques populaires de la fin du Moyen Âge ainsi qu'à la magie rituelle folklorique trouvée dans les pièces de théâtre. Les visions de Margery comprenaient des thèmes de conception et d'accouchement. Dans l'un, elle propose d'aider Sainte-Anne à prendre soin de la petite Mary. Lorsque Marie a enveloppé son propre fils, Christ, dans des langes, Margery a également reçu la permission de le faire. Les associations entre la naissance et la mort du Christ sont apparues clairement à Margery lorsqu'elle a vu que Marie utilisait les langes pour envelopper le corps nu du Christ lors de sa crucifixion. Ces expériences domestiques se concrétisent grâce à la visite de Margery à l'église inférieure de Saint-François à Assise où elle a vu la relique du voile de la Vierge Marie. D'autres liens avec la pratique rituelle folklorique sont évidents dans son histoire d'une femme voyageant à Rome avec deux frères franciscains. La femme a placé une image de l'enfant Christ sur les genoux d'épouses respectables qui l'habillent et l'embrassent, au cours de laquelle Margery fut saisie de douces dévotions et de méditations. Ce rituel féminin évoquait la fécondité et la protection contre les dangers de l'accouchement à travers des méditations sur les événements de la Nativité. Ces exemples montrent comment la piété populaire et le genre ont influencé la création et la réponse à l'art religieux.

Valider la vie. Le texte de Margery a suscité des discussions savantes sur sa relation avec la tradition mystique anglaise et les récits de la vie des saints. Plus récemment, des études ont souligné comment son autobiographie se rapporte à une recherche par la classe moyenne urbaine d'une identité positive et puissante à la fin du Moyen Âge. Le récit de Margery représente ce dilemme profond de la recherche de la validation spirituelle tout en restant un membre actif de la société marchande. Il révèle également comment les autorités religieuses ont exprimé des points de vue divers et divergents sur la spiritualité féminine. Son texte a fourni sa propre autorisation de ses prétentions à la sainteté, éludant les tentatives de l'Église de contrôler les expériences religieuses. Il a fourni un lieu pour que les expériences des femmes laïques soient entendues. Les idéologies ecclésiastiques et aristocratiques qui privilégiaient le retrait de la vie active ont été contestées par l'alphabétisation laïque ainsi que par la réforme religieuse et politique. Les comportements de Margery (tels que ses pleurs bruyants) et les positions affirmées décrites dans son texte sont résolus par les affirmations qu'elle reçoit dans ses conversations avec le Christ et sa mère. Ces dialogues réinterprètent les conventions sociales et religieuses de manière à refléter les besoins de la piété laïque validant la vie active comme moyen de sainteté.

Mysticisme et hagiographie. Le livre commence par un récit de sa crise spirituelle après la naissance de son premier enfant, les visions qu'elle reçoit du Christ et de la Vierge Marie, ses conversations et ses interactions avec eux. Les descriptions de ses pèlerinages font référence à la méfiance envers l'orthodoxie qu'elle a rencontrée de la part des autorités religieuses, des fidèles et des pèlerins. Les personnages historiques qu'elle a rencontrés et leurs conversations créent une image fascinante de la culture religieuse anglaise du XIVe siècle. Par exemple, Margery a rendu visite à la mystique et recluse anglaise Dame Julian de Norwich, pour demander avec inquiétude si ses propres expériences étaient authentiques. Sa connaissance de la vie d'autres femmes mystiques, comme la bienheureuse Angela de Foligno (1249-1309) et Dorothea de Montau (1347-1394), clarifie leur place en tant que modèles. Le vocabulaire de Margery démontre sa familiarité avec les textes mystiques populaires du XIVe siècle. Tout au long de l'autobiographie, ses descriptions de rencontres avec des figures ecclésiastiques et les réponses du prêtre qui a servi de scribe pour ses paroles affirment que l'ouvrage est un texte hagiographique délibérément calculé. En tant que document source principal d'un visionnaire et mystique autoproclamé, son livre représente une occasion rare d'étudier l'interaction de la piété populaire et du genre.