Diderot, Deni (1713-1784)

Diderot, denis (1713–1784), philosophe et encyclopédiste. Denis Diderot est né à Langres le 5 octobre 1713, fils de Didier Diderot, maître coutelier. Si le sort de Diderot sera à jamais lié à son rôle de rédacteur en chef avec Jean Le Rond d'Alembert du Encyclopédie (1751-1772), il fut peut-être le penseur le plus profond et l'écrivain le plus novateur des Lumières françaises, apportant des contributions remarquables dans les domaines de la philosophie, de la critique d'art, du théâtre, de l'essai et de la fiction en prose. Certaines des plus grandes œuvres de Diderot, cependant, ne furent publiées qu'en 1830; il est à la fois l'un des écrivains les plus brillants et (en son temps) l'un des écrivains les plus méconnus du XVIIIe siècle.

Eduqué par les jésuites d'abord à Langres, puis à Paris au Collège d'Harcourt ou au Collège Louis-le-Grand (ou les deux; les biographes sont incertains), Diderot fait preuve d'un grand talent intellectuel dès son plus jeune âge. À la suite de ses études, son père l’encourage à poursuivre une carrière en droit, mais Diderot, dont le cœur se consacre à l’étude humaniste, ne veut pas s’engager dans des buts mercenaires. Son père refusa de l'aider à entreprendre une vie sans sécurité financière, et le jeune Diderot n'eut d'autre choix que de subsister de ses propres lumières, indépendant mais pauvre.

Diderot fréquentait des cafés tels que le légendaire Procope et le CafédelaRégence, faisant la connaissance des sommités parisiennes du jour. Il épousa subrepticement Antoinette Champion en 1743; le seul enfant survivant de ce mariage malheureux, Angélique, écrira plus tard les mémoires de Diderot. En 1746, il publie son premier ouvrage majeur, le Pensées philosophiques, dans lequel il a embrassé le scepticisme théologique; le plus tard Ajout aux pensées philosophiques (1762) est une critique beaucoup plus véhémente de l'Église et du dogme chrétien.

C'est également en 1746 que Diderot fut chargé, avec d'Alembert, d'éditer une traduction d'Ephraim Chambers Cyclopédie (1728). Ce projet initial s'est développé au fil des années pour devenir Encyclopédie, la tentative la plus audacieuse des Lumières non seulement de cartographier, mais de restructurer la connaissance humaine dans un schéma séculier et souvent farouchement anticlérical. C'était en partie polémique et en partie un résumé des connaissances existantes, s'inspirant de l'organisation baconienne. Peut-être en raison de l'origine familiale artisanale et provinciale de Diderot, le Encyclopédie a accordé une attention particulière aux arts mécaniques ainsi qu'aux arts libéraux, à l'agriculture autant qu'à la philosophie, et à l'économie bourgeoise en expansion rapide autant que la théologie et les mathématiques. Les quatorze ans qu'il a fallu pour produire les dix-sept volumes de texte, et les sept autres pour produire onze volumes de planches (d'autres éditeurs ont ajouté des volumes supplémentaires de texte, des planches et un index, de sorte qu'en 1780, le Encyclopédie s'élevait à trente-cinq volumes), a vu l'abandon du projet par d'Alembert en 1758, les condamnations et les révocations du privilège royal de l'œuvre et d'innombrables heures de travail de Diderot. En fin de compte, il devait devenir le plus grand monument des Lumières, malgré une censure sévère, qui a été en partie contournée par un système élaboré de références croisées subversives.

En 1749, Diderot fut emprisonné pendant trois mois à Vincennes, principalement pour son Lettre sur les aveugles. En 1755, il rencontre Sophie Volland, qui devient l'amour de sa vie et avec qui il entretient une brillante correspondance; en effet, certaines des plus belles phrases de Diderot se trouvent dans ses lettres. Elle resta son amante et son interlocutrice intellectuelle jusqu'à sa mort en février 1784, cinq mois avant celle de Diderot le 21 juillet.

Une grande partie du travail de Diderot n'apparaît qu'à titre posthume. Ses écrits connus de ses contemporains étaient généralement sous-évalués et Jean-Jacques Rousseau, malgré une rupture amère avec son ami en 1757, écrivit plus tard que le génie de Diderot ne se comprendrait que dans les siècles à venir. Les contributions de Diderot à la philosophie et à la littérature sont nombreuses. Dans la théorie et la pratique du théâtre, il a rejeté la rigidité des formes classiques, proposant à la place le drame bourgeois (drame bourgeois), forme de théâtre abandonnant à la fois les valeurs aristocratiques et la formalité aristotélicienne du siècle précédent. Son jeu Le fils naturel (1757), et les textes analytiques Commentaires sur le fils naturel (1757), le Discours sur la poésie dramatique (1758), et le Paradoxe sur l'acteur (publié en 1830), articule sa nouvelle vision du théâtre, qui va avoir un impact profond sur les romantiques de la fin du XVIIIe et du début du XIXe siècle.

Diderot est également largement salué comme le premier critique d'art moderne, avec son Salons (1759–1781), écrit pour Friedrich Melchior von Grimm's Correspondance littéraire (1753-1790), son 1766 Essais sur la peinture, et son 1776–1781 Réflexions détachées sur la peinture. Dans sa fiction, Diderot a expérimenté des formes dialogiques et conversationnelles (le plus remarquablement Neveu de Rameau, publié en 1821, retraduit de l'allemand), et avec un style narratif en Jacques le fataliste et son maître (publié en 1796), fortement influencé par Laurence Sterne's Tristram Shandy (1759–1767). La philosophie de Diderot trouve son expression la plus riche et la plus mature dans Le rêve de D'Alembert (écrit 1769, publié 1830), dans lequel il proposait un «continuisme» biologique, plaidant pour le lien entre toutes les formes de matière, préfigurant, mais aussi plus radical que, le darwinisme et la génétique moderne. L'expérimentation scientifique de son Lettre aux aveugles, considéré comme le premier traité scientifique sur la cécité, et Lettre sur les sourds et muets (1751), soutient un matérialisme bien plus audacieux que celui suggéré dans le Pensées philosophiques, résultant en une vision du monde marquée non seulement par l'unité profonde de la matière mais dans laquelle il semble peu de place pour Dieu ou la morale chrétienne. Le matérialisme posait donc naturellement des questions morales: dans une société où le dogme chrétien pourrait bien être obsolète, comment rendre compte du comportement éthique? Diderot a conclu que l'on est simplement «bien ou mal né»: la morale est aussi fonction de la matière. dans le Supplément au voyage de Bougainville (1796), il montra l'arbitraire des mœurs sexuelles occidentales, soulignant la qualité factice de toute morale ne dérivant pas du système naturel, et esquivant le matérialisme plus radical et le rejet de la morale conventionnelle de Donatien-Alphonse-François de Sade (1740– 1814). Compte tenu de l'audace inventive de ses œuvres, il est compréhensible que Diderot ait préféré garder nombre d'entre elles relativement privées jusqu'à sa mort.