Écrivain français.
Avec Robert Brasillach (1909–1945) et Louis-Ferdinand Céline (pseudonyme de Louis-Ferdinand Destouches, 1894–1961), Pierre Drieu la Rochelle est sans aucun doute l'écrivain français qui illustre le mieux la déviation de certains intellectuels français vers le fascisme, l'antisémitisme et collaboration avec les occupants nazis. Des trois, d'ailleurs, c'est lui qui était la figure littéraire la plus en vue à l'époque, même s'il ne pouvait pas prétendre au talent et à la postérité d'une Céline, se décrivant plutôt comme un «écrivain inégal».
Drieu la Rochelle est né dans une famille bourgeoise parisienne originaire de Normandie. Son père détesté, bien qu'il exerçait la profession honorable d'avocat, avait néanmoins endetté sa famille. La famille de Drieu et son environnement précoce en Normandie étaient au cœur de ses œuvres, en particulier au début de sa carrière littéraire. État civil (1921; état civil), Le Jeune Européen (1927; jeunesse européenne), et surtout Rêveuse Bourgeoisie (1937; Les rêveries de la bourgeoisie) traitent à leur manière sa relation amour-haine avec cet environnement qu'il percevrait comme décadent en tant qu'adulte et écrivain.
En 1910, il s'inscrit à l'École libre des sciences politiques (ELSP; École libre de science politique), mais il échoue à ses examens finaux en 1913. Il s'engage alors avant le repêchage pour faire son service militaire. La guerre de 1914-1918, au cours de laquelle il fut blessé deux fois, fut pour lui une expérience formatrice. L'exaltation et le mythe ont prévalu sur l'horreur et la réalité. C'est à cette époque qu'il écrivit et publia son premier livre - le recueil de poèmes Interrogatoire (1917) —à la prestigieuse maison d'édition Nouvelle Revue Française. Après 1919, ses expériences de guerre ont été continuellement recréées et réutilisées dans ses œuvres, en particulier dans Gilles, son roman autobiographique de 1939. La comédie de Charleroi (1934; La Comédie de Charleroi, 1973), publié au moment de sa conversion définitive au fascisme, lui a permis de se présenter comme un guerrier et un homme d'action et de présenter la guerre comme un moment fondateur.
En 1917, pour des raisons de commodité et d'argent, il épouse une jeune femme d'origine juive, Colette Jeramec, la sœur d'une camarade de classe. Après être devenu fasciste et antisémite, Drieu a déclaré qu'en raison de l'ascendance juive de sa femme, le mariage n'avait jamais été consommé. Plus généralement, ce premier mariage marque le début d'une relation compliquée avec les femmes. Son second mariage, en 1927, ne réussit guère mieux. Drieu était un amoureux misogyne des femmes, pour ainsi dire. Les mariages, les amours et les aventures se terminaient presque invariablement - ou même commencèrent - comme des fiasco, même s'il aimait se faire passer pour un séducteur débauché (L'homme couvert de femmes [1925; Un homme enterré chez les femmes]).
De l'après-guerre au début des années 1930, Drieu noue des amitiés puis se dispute avec des membres de l'élite littéraire parisienne: il compte André Malraux (1901–1976), Emmanuel Berl (1892–1976), Louis Aragon (1897–1982) , Jean Paulhan (1884–1968), et d'autres parmi ses amis, au moins pour un temps. Ses compétences sociales et sa réputation, ainsi que ses relations avec l'ambassadeur d'Otto Abetz (1903-1958) à Paris, lui ont permis d'assumer la direction du prestigieux Nouvelle Revue Française (NRF) pendant la guerre et le transformer en une vitrine du collaborationnisme littéraire tout en essayant d'y maintenir un semblant de qualité. Pendant ce temps, cet amoureux de la théorie s'était converti à un fascisme antisémite qu'il présentait dans Socialisme fasciste (1934, socialisme fasciste). Il avait auparavant traversé des phases de nietzschéisme, de maurrasisme, de nationalisme, d'européanisme et de non-conformisme, et avait été tenté par le dadaïsme et le surréalisme. Il a cherché d'autres intellectuels fascistes, comme Ernst von Salomon (1902–1972), et a poursuivi une carrière de journaliste militant pour divers organes de l'extrême droite. En 1936, il rejoint le Parti populaire français (PPF), parti fasciste de Jacques Doriot (1898-1945), avec lequel il se dispute deux ans plus tard, puis se réconcilie en 1942. Entre-temps, en 1940, il choisit la collaboration. de conviction tandis que d'autres l'ont fait par opportunisme. Il accepte donc sans hésitation de représenter la France intellectuelle dans les congrès littéraires nazis en Allemagne.
En 1943, sa vie fut à nouveau marquée par l'échec lorsqu'il décida de plier le NRF, qui n'était qu'une ombre de ce qu'elle avait été autrefois. A l'approche de la défaite, vaincu par le dégoût, cet écrivain qui avait pris plaisir à dépeindre sa fascination pour la mort et ses tendances suicidaires se suicida le 15 mars 1945.