Main noire

La Main Noire, une organisation nationaliste clandestine dont le nom officiel était Union or Death, a été fondée en 1911 à Belgrade par un groupe d'officiers et de civils serbes. Les officiers, qui formaient le noyau de l'organisation, étaient devenus de plus en plus impatients face à l'approche prudente du gouvernement serbe face à la question nationale serbe. Ils étaient particulièrement mécontents de l'acceptation par le gouvernement de l'annexion de l'Autriche-Hongrie de la Bosnie-Herzégovine (1908), après quoi il a freiné ses activités nationalistes dans la province en réduisant sa présence militaire, en empêchant la formation de groupes militaires irréguliers et en restreignant les activités de organisations nationalistes subversives. L'idée de former une organisation secrète pour mener plus vigoureusement la lutte pour la libération et l'unification nationales existait parmi les officiers serbes depuis 1909. Cependant, ce n'est que lorsque le colonel Dragutin Dimitrijević-Apis a rejoint leurs rangs qu'elle s'est réalisée. Le groupe a été poussé par le pouvoir croissant dont jouit l'armée serbe depuis qu'il a joué un rôle central dans la destruction de la dynastie Obrenović en 1903, ce qui a ouvert la voie à la prise de pouvoir du gouvernement actuel, dirigé par le Premier ministre Nikola Pašić.

L'organisation était dirigée par un comité central de onze membres. Ses principaux objectifs, tels qu'articulés dans sa constitution, impliquaient de lutter pour la libération nationale de tous les Serbes vivant sous les empires ottoman et austro-hongrois et leur unification en un seul royaume serbe. Ils ont identifié comme étant les provinces serbes la Bosnie-Herzégovine, le Monténégro, l'ancienne Serbie, la Macédoine, la Croatie, la Slavonie, la Voïvodine et Primorje. Si l'union des Serbes en un seul État était un objectif partagé par les dirigeants civils et militaires serbes, l'armée était prête à risquer la guerre pour atteindre ses objectifs, tandis que le gouvernement civil était plus prudent. Les membres de la Main noire ont juré de combattre hors des frontières serbes avec tous les moyens nécessaires contre tous les ennemis. Ils se sont proclamés opposés à la fois au gouvernement et à l'opposition. L'organisation était militariste, symbolisée par une main tenant un drapeau noir avec un crâne et des os croisés devant lesquels se tenaient un couteau, une bombe et des baies vénéneuses. Les activités de l'organisation étaient très secrètes. Tous les membres ont reçu des numéros comme alias et ont dû communiquer oralement. La Main Noire a organisé un réseau révolutionnaire clandestin, infiltrant parfois des organisations plus anciennes, pour mener des actes d'agitation, y compris de la propagande et la formation de bandes armées. En tant que chef du renseignement de l'état-major serbe, Dimitrijević s'est également appuyé sur son propre réseau d'agents au sein de l'armée.

La Main Noire est surtout connue pour son rôle dans l'assassinat de l'archiduc François Ferdinand le 28 juin 1914 à Sarajevo, qui a déclenché une série d'événements qui ont conduit au déclenchement de la Première Guerre mondiale. Six jeunes hommes bosniaques, dont Gavrilo Princip est le plus connu, ont perpétré l'assassinat dans le but d'éliminer ce qu'ils considéraient comme un obstacle majeur à l'union de la Bosnie-Herzégovine à la Serbie. Un débat approfondi a entouré l'établissement de la responsabilité de l'assassinat. Le gouvernement austro-hongrois était convaincu que les jeunes étudiants avaient agi sous les ordres directs des officiers de la Main noire, qui à leur tour avaient reçu des ordres du gouvernement serbe. Les preuves existantes limitées suggèrent que ce sont Princip et ses collaborateurs qui ont sollicité l'aide de Dimitrijević. Après s'être réuni à Belgrade en mai 1914, Dimitrijević leur a fourni des pistolets et des bombes provenant d'un arsenal officiel de l'armée et a pris des dispositions pour ramener les jeunes en Bosnie. Dimitrijević a agi sans le consentement du comité central de l'organisation, qui lui a ordonné d'arrêter le plan lorsqu'il a appris ses actions. Plus poignante a été la question de l'implication du Premier ministre Pašić dans le complot. Bien que les preuves suggèrent qu'il était au courant de certaines actions non précisées et que des responsables serbes avaient aidé des étudiants à traverser la frontière, cela ne permet pas d'établir un lien direct entre lui et les assassins. En fait, il a tenté d'avertir le gouvernement austro-hongrois par l'intermédiaire de son représentant à Vienne, mais en vain.

La Main Noire s'est dissoute en 1917 lorsque Dimitrijević a été exécuté après avoir été reconnu coupable de trahison dans le procès de Salonique. Le Premier ministre Pašić et le prince régent Alexander ont utilisé ces procédures pour éliminer cette source militaire de longue date de dissension en fabriquant des accusations selon lesquelles Dimitrijević et un groupe de co-conspirateurs complotaient une mutinerie dans l'armée et l'assassinat du prince régent. Le prince régent a tenté de donner l'impression que Dimitrijević avait été exécuté principalement en raison de son implication dans l'assassinat de l'archiduc François Ferdinand. Certains chercheurs ont postulé que son motif était de parvenir à une paix séparée avec l'Autriche-Hongrie. Cependant, cela n'a jamais été prouvé.