PÉGUY, CHARLES (1873–1914), écrivain et poète français.
Charles-Pierre Péguy est né à Orléans le 7 janvier 1873. Après avoir perdu son père très jeune, il a été élevé dans la pauvreté par sa mère, qui lui a inculqué ce qu'il considérait comme la véritable fierté du peuple: l'amour d'un travail bien fait, qu'il opposait au règne «bourgeois» de «l'argent». Étudiant assidu, il entre à l'École Normale Supérieure en 1894. Après avoir rejeté le catholicisme au nom de la poursuite d'un idéal de justice universelle, il suit Jean Jaurès dans la bataille pour le socialisme avec son ardeur et son intransigeance toujours présentes et très caractéristiques. Ses premières œuvres, Jeanne d'Arc (1897; Jeanne d'Arc) et Marcel; La cité harmonieuse (1898; Marcel; La cité harmonieuse), tous deux évoquent cette exigence d'une pureté qu'il tenait comme essentielle dans le combat pour la justice, ce qui explique pourquoi il était militamment pro-Dreyfus et facilement exaspéré par les compromis politiques. Péguy a cherché à vivre «en socialiste» sans rien concéder. Il a épousé Charlotte Baudouin lors d'une cérémonie civile, a quitté l'École normale supérieure et a canalisé l'argent qu'il a reçu de ses beaux-parents dans le lancement d'une librairie socialiste.
Au fur et à mesure que les socialistes s'organisaient en un parti politique unifié, les compromis accompagnés par le processus et la discipline nécessaire pour l'unifier conduisirent Péguy à s'éloigner de plus en plus de Jaurès, devenu un acteur politique ambitieux. Pour souligner leur scission, Péguy a fondé la Cahiers de la quinzaine en janvier 1900, une publication indépendante où ses compatriotes pouvaient s'exprimer librement. De 1900 à 1914, le Cahiers étaient une importante maison intellectuelle pour Romain Rolland (1866–1944), Julien Benda (1867–1956), Georges Eugène Sorel (1847–1922), Jacques Maritain (1882–1973), Alain-Fournier (1886–1914) , et d'autres. La revue aborde un certain nombre de questions brûlantes, dont la crise de l'éducation, la défense des peuples colonisés et la révolution russe de 1905. Péguy lui-même publie de nombreux textes polémiques écrits dans son style caractéristique - pleins de répétitions et de digressions.
Sous l'influence de plus en plus prédominante du philosophe Henri-Louis Bergson (1859-1941), avec qui il s'était lié d'amitié, Péguy se mit à dénoncer avec une dureté croissante ce qu'il appela à partir de 1905 le «parti intellectuel», alliance des socialistes avec la bourgeoisie anticléricale et les scientifiques universitaires. Sa version de la révolution devait plutôt devenir profondément ancrée dans la tradition, une perspective évolutive qui a commencé en 1905 avec son travail de signal. Notre patrie (Notre patrie).
En 1908, Péguy confie à un ami qu'il est revenu au catholicisme, ce qu'il proclame ouvertement en 1910 avec son livre époustouflant Le mystère de la charité de Jeanne d'Arc, dans lequel il revisite le travail qu'il avait accompli dans sa jeunesse (Jeanne d'Arc), et reformulé en termes plus chrétiens son esprit de rébellion. Mais l'irrégularité de sa situation matrimoniale oblige Péguy à se tenir toujours au seuil de l'église, dont il embrasse pourtant l'histoire et les dogmes à bras ouverts. Résolument catholique, Péguy plaça sa rébellion encore intacte sous le patronage des grandes figures de l'Église de France - Jeanne d'Arc (vers 1412–1431), sainte Geneviève (vers 422 - vers 500) et Saint Louis (Roi Louis IX; 1214-1270) - toutes les figures de pureté et de non-soumission.
Malgré la tension des soucis financiers et familiaux qui menaçaient parfois de le submerger, les œuvres de poésie qu'il a publiées pendant cette période, notamment Porche du mystère de la deuxième vertu (1911; Le porche du mystère de la deuxième vertu), Mystère des saints innocents (1912), et Eve (1913), développa de longues méditations sur le thème de l'espérance dans son opposition à l'idée moderne du «progrès», et de l'incarnation comme ce qui permet à la foi de s'entremêler avec les luttes terrestres:
Car le spirituel est lui même charnel
Et l'arbre de la grâce est raciné profond
Et plonge dans le sol et cherche jusqu'au fond
Et l'arbre de la race est lui-même éternel. (Eve)
[Car le Spirituel est lui-même Charnel
Et les racines de l'Arbre de la Grâce poussent profondément
Et plongez profondément dans le sol et atteignez le fond
Et l'Arbre de Race est lui-même éternel.]
Les amitiés de Péguy et les luttes qu'il a menées (y compris sa position pro-Dreyfus) nous empêchent de lui attribuer une quelconque forme de racisme. Pour lui, «race» est synonyme de «peuple», et tous deux signifient l'inscription d'une lutte contre les pouvoirs politiques dans une histoire incarnée.
En 1914, la mobilisation générale pour la guerre le contraint à interrompre la rédaction de sa défense de Bergson contre les attaques des catholiques thomistes. Le 5 septembre 1914, Péguy est tué à Villeroy, alors qu'il conduit son régiment sur le terrain, laissant ainsi derrière lui l'œuvre d'un poète et d'un polémiste.
Les différentes lectures de Péguy partent principalement de la question suivante: faut-il voir son rejet du socialisme et son retour au catholicisme comme un point de rupture? Sa mort héroïque, combinée à une méconnaissance générale de ses premières œuvres, a cimenté son image de nationaliste. Néanmoins, il a exercé une influence considérable sur le mouvement personnaliste fondé en 1934, et des lectures plus récentes, rendues enfin possibles par la publication de ses œuvres complètes par Gallimard en 1987, dépeignent l'unité d'une vie qui poursuivait la même demande de justice du socialisme. au catholicisme.