Klarsfeld, Serge (né en 1935)

Historien juif français et chasseur nazi.

Aux États-Unis et en Israël (où il est citoyen, ainsi qu'en France), Serge Klarsfeld est surtout connu comme un "chasseur nazi", et en France, il est connu comme un historien de la déportation des Juifs français et comme le président et fondateur de l'Association des Fils et Filles des Juifs déportés de France (Fils et Filles des Déportés Juifs de France). Il est tout cela à la fois, un militant ancré dans sa rigueur d'historien et d'avocat professionnel.

Né juif en Roumanie, Klarsfeld a émigré en France avec sa famille. Jeune garçon, il a vécu les persécutions et la tragédie de la déportation des Juifs de Nice et du meurtre de son père à Auschwitz-Birkenau.

C'est probablement lorsqu'il rencontra sa femme, Beate Künzel, une protestante allemande, au début des années 1960 et lui raconta les horreurs perpétrées par son pays de 1933 à 1945 que le couple devint «militants de la mémoire». Le procès d'Adolf Eichmann à Jérusalem en 1961 a solidifié leur engagement. De nombreux Juifs, qui étaient restés largement silencieux après l'Holocauste, commençaient à faire entendre la voix de ses victimes. Beate et Serge Klarsfeld se sont fait connaître pour leur ténacité à dénoncer et traduire en justice les criminels nazis, parfois au moyen de gestes symboliques provocateurs qui ont conduit à leur emprisonnement. En 1968, Beate a giflé le chancelier allemand Kurt Kiesinger; en 1971, ils ont tenté d'enlever Kurt Lischka pour souligner la nécessité de traduire Lischka et deux autres, Ernst Heinrichsohn et Herbert Hagen, en justice pour les déportations de Juifs de France. Ils se sont rendus en Iran, en Syrie (pour traquer Aloïs Brunner) et en Amérique du Sud. Si Serge Klarsfeld et Régis Debray ont échoué dans leur tentative d'enlèvement de Klaus Barbie en Bolivie en 1972, dix ans plus tard, le chef de la Gestapo de Lyon a finalement été extradé et jugé en France. Son procès a été suivi de celui de deux Français - Paul Touvier, ancien chef de milice lyonnaise, en 1994, et le haut fonctionnaire de l'Etat Maurice Papon, en 1997–1999. L'avocat des plaignants juifs dans ce procès civil à Bordeaux n'était autre que le fils de Beate et Serge, Arno Klarsfeld, du nom de son grand-père assassiné.

En même temps qu'il cherchait les bourreaux et leurs complices, Serge Klarsfeld publiait un ouvrage majeur d'érudition historique. Cet ouvrage décrit la souffrance des Juifs pendant la guerre, la responsabilité écrasante des autorités de Vichy dans les déportations, notamment d'enfants, et aussi les efforts non négligeables de citoyens «ordinaires» qui ont permis de sauver de nombreux Juifs sur le sol français. Klarsfeld n'est pas un universitaire typique: il a surtout rassemblé des documents - des documents des convois, des lettres et des photographies de onze mille enfants tués pendant l'Holocauste. Son travail historique sur la déportation représente une norme de recherche que de nombreux pays européens tentent d'égaler.

Klarsfeld a également établi personnellement des mémoriaux aux Juifs de Roumanie et de Grodno; il s'est ensuite concentré sur les victimes hongroises. Son travail d'archivage vise avant tout à offrir un «enterrement symbolique» des victimes. Elle permet également à leurs descendants de faire valoir leurs droits, que Klarsfeld, à travers l'Association des Fils et Filles des Juifs déportés de France, contribue à défendre. Il a participé à la commission Matteoli étudiant la confiscation des biens juifs sous le gouvernement de Vichy et a mené une campagne réussie pour obtenir l'indemnisation des orphelins de l'Holocauste par le gouvernement de Lionel Jospin en 1999.

Les initiatives de Klarsfeld continuent de bénéficier d'une large couverture médiatique. Personnellement proche de Jacques Chirac, il a contribué à la rédaction du discours de 1995 dans lequel le président de la république reconnaissait la culpabilité de la France dans la déportation de soixante-dix-huit mille juifs, dont seulement vingt-cinq cents sont revenus. De 2002 à 2004, Klarsfeld a invité les survivants et les descendants des victimes à se rendre aux différents points de départ des convois, notamment Angers, Valenciennes, Compiègne et surtout Drancy, à l'occasion de l'anniversaire des départs. Les participants ont lu les noms des victimes et ont parfois prononcé quelques mots. Klarsfeld a rendu à chacun d'eux un nom, une vie et parfois un visage. Il a également donné à leurs proches un lieu de deuil: le mur gravé de noms au Mémorial de la Shoah inauguré à Paris en janvier 2005.