Mouvement anti-tabac en France

Il y a eu un mouvement antitabac en France depuis l'introduction du tabac dans le pays au milieu du XVIe siècle. Parmi les individus qui s'opposaient à son utilisation se trouvaient Louis XIV, son médecin personnel Fagon, le prélat Mgr Jacques-Bénigne Bossuet, l'écrivain Balzac et l'homme d'État Charles-Maurice de Talleyrand, tous dénoncés contre ses dangers. Leur point de vue était, tour à tour ou simultanément, moraliste, religieux ou social. Balzac a affirmé que le tabac «infeste l'état social» (1839); un journaliste de l'époque a écrit que c'est "une mode qui assombrit joliment vos dents, parfume et adoucit votre haleine, et donne à votre bouche l'apparence d'une cheminée" (Journal 1807). Malgré ces fortes objections à la substance, l'usage du tabac est resté populaire.

À l'époque, cependant, la compréhension scientifique des effets du tabac était limitée, de sorte que les avertissements n'avaient pas beaucoup de poids. Au début des années 1800, le chimiste français Louis-Nicolas Vauquelin extrait une «substance puissante, volatile et incolore» du tabac qu'il nomme «essence de tabac». La substance a ensuite été nommée «nicotine» d'après Jean Nicot, l'ambassadeur de France au Portugal qui a introduit le tabac en France. Néanmoins, le tabac est resté populaire parmi les Français sous forme de pipes, de cigares et, peu après, de cigarettes. Cette démocratisation des usages a commencé à inquiéter les acteurs de la santé publique.

La première association antitabac remonte au Second Empire (1852–1870). Elle a rassemblé une centaine de personnes, toutes dans le but de prouver que l'abus du tabac joue un rôle dans l'affaiblissement des liens familiaux et porte atteinte aux intérêts moraux de la société. Parmi ces centaines de pionniers, il y avait non seulement des personnalités importantes du monde de la science, comme le chimiste et microbiologiste français Louis Pasteur, mais aussi des médecins et des enseignants ordinaires. En fait, le mouvement antitabac doit être vu comme faisant partie d'une tendance plus large, celle de promouvoir un mode de vie sain pour régénérer la population française. À la fin du XIXe siècle, l'association soutient une loi qui protège les mineurs et interdit de fumer dans les casernes de l'armée, dans les transports en commun et dans les bureaux de poste. Mais l'État, qui tirait près de 10% de ses revenus de la vente de tabac, n'a pas répondu à leurs demandes.

Antitobacco Pioneer Émile Decroix (1821–1901)

Esprit ardent et original soucieux du progrès social, Émile Decroix, qui a exercé les fonctions de vétérinaire dans l'armée impériale, a pris le double engagement lors de la campagne du Maroc en 1859 de propager l'utilisation de la viande de cheval pour la consommation humaine et d'en combattre l'usage. de tabac. Nommé à la garde nationale à son retour à Paris et honoré de la croix de chevalier de la Légion d'honneur, Decroix jouissait d'une autorité suffisante pour fonder un comité de propagation de la consommation de viande de cheval. Puis, en 1868, il convainc ses collègues du comité de se lancer dans une nouvelle mission, cette fois contre le tabac. Dans ces deux entreprises, Decroix croyait à la fois éclairer les gens sur la santé et la moralité et leur donner les moyens de satisfaire leurs besoins fondamentaux.

Avant sa mort, Decroix a écrit de nombreux livres et articles contre le tabagisme. Pour donner plus d'élan à sa cause, il fonda en 1877 l'Association française contre l'abus du tabac, qui tenta de promouvoir des campagnes d'enseignement, en particulier pour les jeunes dans les écoles, et fit également du lobbying auprès des autorités. Faute de financement, l'association a fermé ses portes au début du XXe siècle.

Ce n'est que dans les années 1950, après les révélations américaines et britanniques sur les effets nocifs de la fumée de cigarette sur les poumons humains, qu'un nouveau mouvement a pris son envol. Le Comité national du droit à l'air pur, une organisation non gouvernementale, a été fondé en 1959; il est devenu le Comité national antitabac en 1968, et en 1977, le groupe a été officiellement reconnu par le gouvernement, ce qui lui a permis de recevoir des subventions de l'État et d'avoir un statut juridique. L'État a finalement reconnu le risque du tabac pour la santé publique en adoptant une loi proposée par la ministre de la Santé Simone Veil en 1976. Cette nouvelle loi limitait la quantité de publicité sur le tabac et exigeait la divulgation des niveaux de goudron et de nicotine sur les paquets de cigarettes. En outre, le Comité national de la santé et de l'éducation a lancé des campagnes multimédias nationales contre le tabagisme via les journaux, les affiches, la radio et la télévision.

Enfin, en 1991, la loi Evin a été adoptée. Il a interdit toute propagande protobabac dans toutes les formes de médias - presse, radio et télévision; restreint considérablement les sections fumeurs dans les espaces publics; et a déclenché une énorme augmentation des prix des cigarettes lorsque l'État a augmenté les taxes et que les fabricants ont augmenté les prix en conséquence. La loi Evin est l'une des plus restrictives d'Europe. Cependant, la loi n'a pas été strictement appliquée. De nombreuses poursuites ont été intentées contre des contrevenants et des fabricants de cigarettes ces dernières années, avec un succès limité.

Voir aussi Mouvement anti-tabac avant 1950; Mouvement anti-tabac à partir de 1950; Empire français; Contrôle du tabac en Australie; Contrôle du tabac au Royaume-Uni.

▌ DIDIER NOURRISSON

Bibliographie

Balzac. Traité des excitants modernes. Paris, 1839.

De Pracontal, Michel, La guerre du tabac. Paris: Fayard, 1998.

Journal du département de la Loire. (7 décembre 1807): 5.

Nourrisson, Didier. Le tabac en son temps: De la séduction à la répulsion. Rennes, France: Ecole nationale de santé publique, 1999.

——. Histoire sociale du tabac. Paris: Christian, 2000.

——. "Naissance du tabagisme." In Education à la santé. XIXe-XXe siècle. Rennes, France: Ecole nationale de santé publique, 2002.