Écrivain français.
Romain Rolland est né le 29 janvier 1866 et a grandi dans une famille bourgeoise et républicaine à Clamecy (Nièvre) en Bourgogne, en France, où son père était notaire. En 1886, il s'inscrit à l'École Normale Supérieure. Là, il entreprit des études d'histoire, qui furent couronnées par sa réussite à l'examen de certification d'enseignement (agrégation) de 1889. La même année, il reçoit une bourse qui lui permet de passer les deux années suivantes à l'École française de Rome. Là, il a rencontré Malwida von Meysenburg, qui a influencé sa vision de l'Allemagne. A Rome, il cultive son goût pour la musique et l'art et obtient en 1895 son doctorat en musicologie. Il devient ensuite maître de conférences à la Sorbonne; il a également enseigné à l'École Normale Supérieure. Parallèlement, il publie des pièces de théâtre et les biographies de plusieurs artistes, dont le plus célèbre est Beethoven (1903). A partir de ce moment, Romain Rolland fut en quelque sorte «le grand prêtre de Beethoven», selon les mots d'Esteban Buch. Et en effet, la figure du génie musical romantique joue un rôle majeur dans son magnum opus, Jean-Christophe, un roman d'apprentissage artistique écrit entre 1901 et 1914 et publié en dix volumes. L'ouvrage, qui a remporté le prix de l'Académie française en 1913, présente la civilisation européenne comme une synthèse des influences allemandes et françaises.
Rolland vivait en Suisse lorsque la Première Guerre mondiale a éclaté en août 1914 et a décidé de ne pas retourner en France. Il devient ainsi un exil volontaire de son pays d'origine et plus généralement d'une Europe en guerre. En 1914, alors qu'il résidait à Genève, il publia une série d'articles dans le Journal de Genève, dont le célèbre "Audessus de la mêlée" (Au-dessus de la bataille). En raison de la position qu'il a prise, il a été sous le feu des Allemands et des Français. Il était la cible d'intellectuels allemands comme Gerhart Hauptmann, qu'il reprochait de rester fidèle à un kaiser qu'il méprisait et auquel il exigeait une condamnation ferme et résolue des atrocités allemandes commises en Belgique. Pendant ce temps, il est vrai que ses critiques de l'Allemagne étaient plus dures que celles qu'il réservait à la France, bien qu'il ait mis la France en garde contre l'emploi de troupes coloniales, qu'il appelait «ces hordes sauvages». Cet argument raciste était courant à l'époque, bien que plus communément exprimé par les ennemis de la France, comme dans le Appel au monde culturel (Appel au monde civilisé) par quatre-vingt-treize intellectuels et professeurs allemands en 1914. Mais lorsqu'il a attaqué les dirigeants politiques, les généraux, les églises, les intellectuels et les élites socialistes qui avaient exploité l'idéalisme des jeunes soldats à leurs propres fins, Rolland a visé ses remarques à tous les pays en guerre.
Les critiques majeures à l'encontre de Rolland provenaient cependant de ses compatriotes, qui connaissaient bien les articles qu'il avait écrits bien qu'ils aient été censurés. Il était considéré comme un traître à son pays. Les autorités partagent ce point de vue et ne lui permettent de rentrer en France qu'en mai 1919.
Les calomnies auxquelles il a été confronté, le prix Nobel de littérature qu'il a reçu en 1915, ses rencontres en Suisse avec des pacifistes de toutes nationalités et son engagement auprès de la Croix-Rouge le conduisent à une forme de pacifisme toujours plus radicale. En 1916, avec Henri Guilbeaux, il fonde la revue pacifiste et internationaliste Demain (Demain). Il fournit un récit fictif de ces années dans son roman semi-autobiographique Clérambault (1920). Dès lors, Romain Rolland devient une sorte de figure culte pour les jeunes intellectuels de gauche, pacifistes et européanistes comme le poète Pierre-Jean Jouve, qu'il rencontre en Suisse et qui publie la première biographie de Rolland en 1919. Sur son de retour en France, Rolland devient une incarnation vivante du pacifisme de gauche, tout en restant pour de nombreux Français (surtout ceux de droite du spectre politique) un symbole de «défaitisme». Son pacifisme ne l'a pas empêché de s'engager dans des polémiques avec l'autre figure tutélaire du pacifisme français, Henri Barbusse. Immédiatement après la guerre, les deux intellectuels s'étaient réunis pour proclamer leur allégeance à «l'indépendance d'esprit» en publiant manifeste après manifeste contre la droite intellectuelle qui, sous l'égide d'Henri Massis, s'était proclamée «parti de l'intelligence». Entre 1921 et 1923, l'alliance pacifiste entre Barbusse et Rolland échoue. Rolland a refusé de rejoindre le mouvement de Barbusse Clarté (Clarté) et lui a reproché de mettre son pacifisme et son indépendance d'esprit au service du Parti communiste. Cela n'empêcha pas Rolland d'être si attiré par l'URSS une décennie plus tard qu'il devint l'un de ses fidèles «compagnons de route». En 1933, par exemple, il a publié le roman pro-soviétique L'âme enchantée (L'âme enchantée). Ce n'est qu'en 1939, avec le pacte de non-agression germano-soviétique, que les convictions procommunistes de Rolland ont vacillé: il a réaffirmé publiquement son soutien à la cause des pays démocratiques. Mais ses positions politiques suscitent désormais peu d'intérêt. Il se retire à Vézelay dans sa Bourgogne natale et y meurt en 1944.