Homme politique français.
Jacques Chirac est le grand survivant de la politique française moderne. Au cours d'une carrière de quarante ans, il a occupé toutes les fonctions majeures, aboutissant à son élection à la présidence en 1995. Né en 1932 dans une famille bourgeoise, Chirac a étudié à la prestigieuse École Nationale d'Administration (ENA), le terrain de formation de hauts fonctionnaires. Il devient assistant du Premier ministre gaulliste, Georges Pompidou (1911-1974), qui surnomme Chirac le "bulldozer" en raison de sa grande énergie. Pompidou a encouragé Chirac à entrer en politique et il a été élu pour le département rural de la Corrèze en 1967. En 1967, il a reçu son premier poste ministériel, et lorsque Pompidou est devenu président en 1969, Chirac a été promu à divers postes ministériels supérieurs.
Après la mort prématurée de Pompidou en 1974, Chirac soutint le candidat centriste Valery Giscard d'Estaing (né en 1926) contre le gaulliste Jacques Chaban-Delmas (1915-2000), affirmant qu'il considérait Giscard comme le candidat conservateur le mieux placé pour empêcher la victoire de la La gauche. De nombreux gaullistes y ont vu une trahison, mais Giscard a récompensé Chirac en le nommant Premier ministre. Les relations entre les deux hommes se détériorèrent rapidement et en 1976 Chirac devint le seul Premier ministre de la Ve République à démissionner plutôt que d'être démis par le président. Désormais, il entreprit de reprendre le parti gaulliste (rebaptisé Rally for the Republic, RPR), et en fit l'instrument de son ascension au pouvoir. Il défie Giscard de plus en plus ouvertement, battant son candidat à la mairie de Paris en 1977. Paris devient la deuxième base du pouvoir de Chirac avec la Corrèze. Dans un discours notoire en décembre 1978, Chirac a failli dénoncer le pro-européanisme de Giscard comme une trahison. En 1981, Chirac s'est présenté à l'élection présidentielle et est arrivé troisième au premier tour. Il a soigneusement évité de recommander à ses électeurs de transférer leurs votes à Giscard au second tour. Ceci est largement reconnu pour avoir aidé le socialiste François Mitterrand (1916–1996) à battre de justesse Giscard au second tour. Après avoir trahi Chaban en 1974, Chirac a trahi Giscard en 1981. En 1986, la popularité de Mitterrand diminuait, et aux élections législatives de cette année-là, le RPR obtint le plus grand nombre de voix. Mitterrand a nommé Chirac Premier ministre, conduisant à la première «cohabitation» dans la Cinquième République entre un président d'un parti et un Premier ministre d'un autre. Chirac est arrivé au pouvoir en s'engageant à renverser les nationalisations menées par les socialistes. Une grande partie de ce programme a été réalisée, mais il a été politiquement déjoué par Mitterrand, qui a habilement pris le crédit pour les mesures populaires du gouvernement de Chirac tout en se distanciant des impopulaires. Lorsque Chirac s'est opposé à Mitterrand à l'élection présidentielle de 1988, il a été confortablement battu par lui au second tour. Lorsque le modèle s'est répété en 1993 et que la droite a de nouveau remporté les élections législatives, Chirac s'est tenu en réserve et a laissé l'un de ses collègues devenir premier ministre à sa place. Finalement, en 1995, il fut élu président contre le socialiste Lionel Jospin (né en 1937) avec une marge confortable.
En tant que président Chirac a rapidement rencontré des problèmes. Bien qu'ayant promis aux élections de remédier à la «fracture sociale» causée par le chômage, son gouvernement a procédé à des coupes dans les dépenses publiques. Cela a conduit à une vague massive de grèves à l'automne 1995 et le gouvernement a dû faire marche arrière. En avril 1997, Chirac a pris le pari de la dissolution du Parlement et à la surprise de tous, la gauche a remporté les élections. Chirac était maintenant contraint de «cohabiter» avec Jospin comme premier ministre. N'ayant été président que deux ans, il s'est retrouvé impuissant. Lors de l'élection présidentielle de 2002, Chirac s'est présenté de nouveau, en tête au premier tour. À la stupéfaction universelle, le candidat d'extrême droite Jean-Marie Le Pen (né en 1925) a poussé les socialistes à la troisième place. Au second tour, Chirac a donc remporté une majorité sans précédent de 82% alors que les électeurs de gauche se sont ralliés à lui pour lui barrer la route. Chirac n'a pas exploité cette situation extraordinaire. Bien qu'il ait gagné la popularité nationale pour s'opposer à la guerre en Irak en 2003, il était de plus en plus persécuté par des allégations de corruption remontant à sa période en tant que maire de Paris. En 2005, il a convoqué un référendum sur la constitution européenne, recommandant aux gens de voter pour elle. Le vote «non» l'emporta confortablement. Cela a été largement considéré comme un vote plus contre Chirac que contre la constitution. Chirac n'a pas démissionné et a simplement remplacé son Premier ministre. Mais il semblait un personnage de plus en plus discrédité et vieillissant, même s'il rêvait peut-être encore de se présenter à nouveau à la présidence.
Le paradoxe de la carrière de Chirac est que bien qu'il soit excellent pour atteindre et conserver le pouvoir, il n'a jamais su quoi en faire. Il a été un maître de la politique de favoritisme, et c'est de là que découlent les accusations de corruption. Il n'y a pas de cohérence idéologique perceptible dans sa carrière. S'il peut en quelque sorte être qualifié de gaulliste, c'est bien le gaullisme pragmatique de Pompidou face au gaullisme historique de Charles de Gaulle (1890–1970). Il a été à la fois anti-européen (1978) et pro-européen (2005); il parlait le langage de l'économie thatchérite en 1986 et le langage du welfarisme social en 1995. On a souvent remarqué de Chirac qu'il était idéalement adapté à la IVe République, où l'exécutif avait un pouvoir limité et où le nom du jeu était la survie. Dans la Cinquième République, où l'exécutif a potentiellement un grand pouvoir, cela ne suffit pas.