L'écrivain français a reçu le prix Nobel de littérature en 1947.
Qualifié de «premier contemporain» de France par André Rouveyre, André Gide incarne en effet non seulement le «grand écrivain» mais aussi, avant Jean-Paul Sartre, l'intellectuel engagé. Cependant, Gide n'a jamais été captif de ses engagements politiques et il a toujours conservé sa lucidité et son indépendance d'esprit.
Né à Paris dans une famille d'universitaires, André-Paul-Guillaume Gide fait ses études à la prestigieuse École Alsacienne de la ville, où il passe son examen du baccalauréat en 1889. L'année suivante, il écrit son premier livre, Les carnets d'André Walter (Les Cahiers d'André Walter, 1891). Dès lors, la littérature - écriture et lecture incessante - sera le monde de Gide. Au cours des années 1890-1896, il part à la recherche de lui-même, voyage, découvre son homosexualité, écrit Fruits de la terre (Les nourritures terrestres, 1897) et Marais (Demander 1895), et fait ses premières connaissances littéraires, parmi lesquelles Oscar Wilde, Francis Jammes et Paul Claudel. En 1895, il épouse sa cousine Madeleine Rondeaux. Un an plus tard, il est élu maire de La Roque, commune de Normandie. Partisan d'Alfred Dreyfus, Gide s'intéresse vivement aux problèmes politiques de l'époque. Durant cette période, il se lie également d'amitié avec le peintre belge Théo van Rysselberghe et son épouse Maria. Surnommée plus tard "la Petite Dame", Maria sera la chroniqueuse fidèle de la vie domestique de Gide. En 1923, la fille de van Rysselberghes, Elisabeth, a donné naissance à une petite fille, Catherine, dont le père était André Gide.
Après le tournant du siècle, Gide a publié deux romans majeurs, L'immoraliste (L'immoraliste) en 1902 et Le détroit est le Porte (La porte étroite) en 1909. Par la suite, son œuvre littéraire oscille entre deux approches, l'une ancrée dans la réalité et impliquée dans des problématiques contemporaines, l'autre plus introspective, plus concernée par l'expérience formelle. Parfois, les deux étaient combinés, comme dans Corydon (1924) ou S'il meurt (Si le grain ne meurt, 1926), œuvres dans lesquelles Gide défendait son homosexualité. Les deux approches, par ailleurs, reposaient sur la recherche d'une éthique dépassant toute morale traditionnelle. L'activité publique de Gide avait également un double aspect, à la fois littéraire et politique.
En 1908, Gide a aidé à fonder l'influent Nouvelle revue française (NRF), et un an plus tard, les conférences annuelles littéraires et socialement progressistes de dix jours, dirigées par Paul Desjardins, connues sous le nom de Décades de Pontigny. En 1914, Gide rompt avec le célèbre dramaturge Paul Claudel sur un passage du roman de Gide Les caves du Vatican (Les caves du Vatican) que Claudel jugeait «pédérastique». Pendant la Première Guerre mondiale, il a fait du travail d'aide auprès des réfugiés, en particulier ceux qui arrivent de Belgique, et a flirté brièvement avec l'organisation de droite Action Française. Son ami Henri Ghéon s'est converti au catholicisme, et Gide a connu sa propre crise religieuse (il s'était lui-même converti en 1905, mais cet acte était sans conséquence).
Après la guerre, Gide reprend son activisme littéraire international, cherchant avec Jacques Rivière à réaliser un rapprochement intellectuel franco-allemand. En 1919, il publia l'un de ses livres les plus lus, La symphonie pastorale (La symphonie pastorale) et a commencé à travailler sur Les contrefacteurs (Les faux-monnayeurs, 1925), ce qui serait un autre grand triomphe. Les années 1920 furent aussi des années d'implication politique publique pour Gide, notamment en ce qui concerne la lutte anticolonialiste, comme en témoigne Voyage au Congo (1927) et Retour du Tchad (1928), publié en un seul volume en traduction anglaise comme Voyages au Congo (1929). Au début des années 1930, Gide était attiré par le communisme. Alors que la menace fasciste devenait de plus en plus tangible (l'arrivée au pouvoir d'Hitler, l'incendie du Reichstag, l'affaire Stavisky en France), Gide est devenu un compagnon de route, un militant du Comité de vigilance des intellectuels antifascistes, et un participant très actif au grand congrès international des communistes "pour la défense de la culture" en 1935. L'année suivante, il fut invité avec une délégation d'écrivains à visiter l'Union soviétique, où il prononça même une élégie pour Maxim Gorki sur la Place Rouge en présence de Staline. A son retour en France, cependant, il publie Retour de l'URSS (Retour de l'U.R.S.S., 1936) et Réflexions sur l'URSS (Retouches à mon retour de l'U.R.S.S., 1937), exprimant sa désillusion avec le régime soviétique et condamnant le culte de la personnalité. Ciblé en conséquence par les intellectuels communistes, avec Louis Aragon à la tête du peloton, il rompt avec le parti. Il est allé jusqu'à apporter son soutien aux combattants trotskystes du POUM (Parti ouvrier de l'unification marxiste) attaqués par les communistes en Espagne. Gide se retire alors progressivement de l'action politique, s'occupe de la publication de son Journal dans la prestigieuse Bibliothèque de la Pléiade, et a repris son voyage.
Pendant la guerre et l'occupation, Gide part d'abord en exil interne en Provence et plus tard en exil externe en Tunisie et en Algérie. En 1941, il a cessé toute collaboration avec le Nouvelle revue français, qui était désormais sous le contrôle du collaborationniste Pierre Drieu la Rochelle.
Les années d'après-guerre furent une période de consécration pour Gide. En 1947, il a remporté le prix Nobel. La version cinématographique de La symphonie pastorale (1946) a été un grand succès, tout comme la mise en scène de Les caves du Vatican à la Comédie-Française en 1950. L'ultime honneur est peut-être venu après la mort de Gide, lorsqu'en 1952 ses œuvres complètes ont été ajoutées à l'Index des livres interdits du Vatican.