Matisse, henri (1869–1954)

Artiste français.

Dans son Concernant le spirituel dans l'art, Wassily Kandinsky a écrit l'une des encapsulations les plus claires de Matisse jamais mises sur papier: «Matisse - couleur, Picasso - forme». La couleur et le motif sont sans aucun doute les deux voies primordiales pour comprendre la carrière de ce peintre. Il est tour à tour peintre, sculpteur, graveur (illustrant les poèmes de Baudelaire, Joyce, Mallarmé et Montherlant), créateur de tissus et scénographe pour les ballets. Le chant du rossignol (Chant du rossignol) en 1920 et Le rouge et le noir (Le rouge et le noir) en 1939.

Le jeune Matisse débute une carrière en droit, de 1887 à 1888, avant de se consacrer pleinement à la peinture. Il débute sa formation artistique à l'École des Arts Décoratifs de Paris puis à l'Académie Julian, avant de terminer ses études à l'École des Beaux-Arts, dans l'atelier de Gustave Moreau. Cependant, une fois sorti de ces institutions, Matisse expérimentait constamment des méthodes et des médias. Ambroise Vollard a coordonné sa première exposition personnelle en juin 1904. Ses premières pièces (datées de 1897-1903) reflètent les influences de Paul Cézanne, Paul Gauguin, Paul Signac et Vincent van Gogh.

Quelques-uns de ses tableaux, dont le 1905 Fenêtre à Collioure (Fenêtre à Collioure), étaient si brillamment colorées qu'elles firent sensation au Salon d'Automne de 1905 et le propulsèrent à la tête du mouvement fauve. Le travail opère une fusion entre deux modes distincts de peinture: le pointillisme de Georges Seurat en conjonction avec les zones de couleur teintées d'abord innovées par Gauguin. Luxe, calme et volupté, également montré au Salon, permet à Matisse de revenir à la technique pointilliste, mais cette fois en utilisant des couleurs plus intenses, dont le volume est augmenté par des bordures épaisses. Ces deux toiles véhiculent les réflexions de Matisse sur le pouvoir sensoriel de la couleur. Après eux, Matisse abandonna le pointillisme et s'intéressa davantage aux lignes et à la couleur, comme dans son Femme au chapeau (1905; Femme au chapeau), où les motifs, les couleurs du visage et les teintes rivalisent pour souligner la puissance de chacun.

Les années 1905-1908 furent décisives pour Matisse. En 1906, il montra Le bonheur de vivre (Le plaisir de vivre), puis l'année suivante Nu bleu, souvenir de Biskra (Nu bleu, souvenir de Biskra), tous deux au Salon des Indépendants. Ces peintures ont été un point d'appui pour les compositions à venir. En effet, leurs sujets, dont les danseuses, réapparaîtraient dans de nombreuses sculptures et peintures. Ainsi, certains motifs «matissiens» ont forgé des lignes de communication dépassant la spécificité des deux médiums.

Dans son 1908 La desserte, Matisse a transformé l'espace par une stylisation décorative des éléments de la toile, abolissant ainsi les règles de représentation établies. Les éléments de la peinture ont été traités comme des motifs décoratifs se fondant les uns dans les autres, y compris les objets de la pièce, le papier peint, le tapis et la table, permettant à la couleur de devenir l'élément qui maintenait la peinture ensemble.

Matisse a reçu une commande d'un collectionneur russe nommé Sergei Chtchoukine pour deux panneaux d'une peinture murale, finalement intitulée La danse et La musique, qui ont été achevés en 1909–1910. À travers ces peintures murales monumentales, Matisse modifie radicalement son style et se situe dans le contexte d'un nouveau modernisme qui se distancie de celui défendu par le cubisme. Matisse a en effet cherché à assourdir le volume de ses couleurs et au premier plan le fond abstrait peint comme de grandes zones teintées dont les frontières délimitaient l'espace corporel des personnages. Le motif de la danse, déjà abordé dans La joie de vivre, apparaîtra également plusieurs années plus tard dans deux versions du triptyque commandé par Albert Barnes en 1930-1933 - toujours présenté à la Barnes Foundation à Merion, Pennsylvanie - et dans ses quatre sculptures intitulées Pas à l'envers (1909–1930; dos nu). Ce triptyque témoigne du rôle de l'imagerie arabesque dans l'œuvre de Matisse et de son exécution magistrale du dynamisme.

De 1912 à 1913, il parcourt le Maroc, dont les paysages intensément colorés l'inspirent, et de 1914 à 1918 - ignorant étonnamment la guerre - il commence à travailler sur l'utilisation des lignes et des arabesques, à la recherche d'un idiome suffisamment souple tout en temps de réintroduire le noir dans sa palette de couleurs, comme dans Porte-fenêtre à Collioure (1914, porte-fenêtre à Collioure) et Le violoniste à la fenêtre (1918; Le violoniste à la fenêtre). En 1918, Matisse s'installe à Nice et égaye à nouveau sa palette de couleurs, en transcrivant des intérieurs et en se consacrant à ses sujets de prédilection: la danse, les nus et les odalisques. En 1924, la première rétrospective Matisse est ouverte au public, à Copenhague.

Après un voyage à Tahiti en 1930, Matisse réalise ses premières gouaches découpées en 1937 pour la couverture de Verve, qui a servi de rampe de lancement pour une série d'œuvres dont Les deux danseurs (1937-1938; Les deux danseurs), La piscine (1952; La piscine), et Le jazz, un livre publié en 1947. De 1948 à 1951, Matisse se consacre à la conception de l'architecture, des vitraux et des fresques de la Chapelle du Rosaire à Vence, en France, et de la chapelle Rockefeller dans l'état de New York. Ces œuvres représentent le point culminant de ses explorations dans la simplification des motifs et des formes. Matisse a emprunté des compositions proches de ses gouaches découpées, et ses théories sur la peinture comme harmonie et aide à la méditation se sont concrétisées dans ces espaces de dévotion. En 1950, Matisse reçoit un prix à la Vingt-cinquième Biennale de Venise et, deux ans plus tard, il assiste à l'inauguration du musée Matisse dans sa ville natale, Le Cateau-Cambrésis.