Poincaré, Raymond (1860–1934)

Homme politique français.

Raymond Poincaré était l'une des personnalités politiques les plus visibles de la IIIe République dans les premières décennies du XXe siècle. Député à vingt-sept ans, ministre à trente-trois ans, il est nommé en 1912 Premier ministre. Il fut président de la France de 1913 à 1920 et, avant que la maladie ne l'oblige à quitter ses fonctions, il fut deux fois nommé Premier ministre, de janvier 1922 à mars 1924, puis de juillet 1926 à juillet 1929.

Pour autant, ce n'est qu'à la fin de sa vie que Poincaré jouit d'une réelle popularité. Contrairement à son adversaire Georges Clemenceau (1841-1929), Poincaré a été étiqueté avec des surnoms désobligeants tels que "Poincaré-la-guerre" lorsqu'une campagne dans les années 1920 l'a accusé d'être responsable de la Première Guerre mondiale, et "L'homme-qui -rit-dans-lescimetières "(l'homme qui rit dans les cimetières) après qu'un cliché l'ait montré clignant des yeux à cause du soleil alors qu'il entrait dans un cimetière militaire. La casquette qu'il portait lors des visites à l'avant le faisait ressembler à un chauffeur de taxi, et c'était un autre motif de moquerie. Malgré une intelligence et une éloquence singulières - il était un juriste rigoureux et un avocat bien connu - son extérieur froid et sa personnalité pointilleuse l'empêchaient de devenir véritablement populaire.

DÉBUT DE CARRIÈRE

Poincaré est né à Bar-le-Duc et, jeune garçon, a été témoin de la désastreuse guerre franco-prussienne de 1870–1871 qui s'est terminée par la perte de l'Alsace et de la Lorraine du Nord par les Français au profit de l'Allemagne. Il a grandi pour devenir un patriote fidèle et aussi un républicain convaincu, ce qui l'a placé près de la gauche dans la politique française. Pendant l'affaire Dreyfus, Poincaré était un «Dreyfusard» modéré qui s'est opposé au procès mais s'est tenu à l'écart de la mêlée et de la tourmente de l'affaire et du Parti radical fondé dans son sillage. La modération serait la caractéristique clé de l'agenda politique intérieur de Poincaré. Hormis un bref poste de ministre des Finances en 1906, de 1896 à 1912, il n'occupa aucun poste ministériel. Il n'est pas surprenant qu'à partir de 1903, il préfère un siège au Sénat, un corps plus conservateur que la chambre des députés.

Bien que spécialiste des questions budgétaires, Poincaré a préféré la politique étrangère. Nommé Premier ministre en 1912, il se choisit comme chef des affaires étrangères, avec l'intention de mener une politique ferme avec l'Allemagne et de consolider les relations de la France avec ses alliés, notamment avec la Russie. Lors d'une visite à Saint-Pétersbourg en août 1912, Poincaré a appris l'existence de traités secrets signés, avec la participation de la Russie, par des pays des Balkans visant à expulser les Turcs d'Europe. Il était mécontent de la question mais a décidé de minimiser la question afin de maintenir des liens solides avec la Russie. Cette décision cruciale a encouragé les décideurs politiques étrangers russes dans leur conviction de ne pas se préoccuper de l'opinion diplomatique française, même en mettant en péril la paix en Europe.

Poincaré est élu président de la France en 1913, gagnant contre le républicain radical Jules Pams, grâce au soutien qu'il reçoit de la droite. Il était prêt, tout en restant dans le cadre constitutionnel, à ramener la présidence à son ancien niveau d'influence, qui avait glissé ces dernières années. Poincaré a poursuivi les affaires étrangères tout en soutenant fermement la politique de trois ans de service militaire obligatoire, qui a été votée pour être renouvelée cette année-là.

PREMIÈRE GUERRE MONDIALE

Poincaré fut surpris par la crise de juillet 1914 à la suite de l'assassinat de l'archiduc François Ferdinand, dont il fut informé au retour d'une de ses visites régulières en Russie. En mer la plupart du temps avec son premier ministre René Viviani, et à la merci d'une mauvaise communication télégraphique, il n'a pas pu jouer un rôle important. Il avait été accusé avant son départ de conspirer avec la Russie pour faire la guerre; il n'en existe aucune preuve, et il est plus probable que la Russie ait agi sans même tenir compte de la position française. Les circonstances ont conspiré pour faire de Poincaré un président de guerre.

Poincaré a écrit une dizaine de volumes de mémoires de la période de la Première Guerre mondiale, intitulés Au service de la France (1926–1933; Au service de la France). Un onzième volume final a été publié à titre posthume un demi-siècle plus tard. Il a également inventé le célèbre slogan L'union sacrée (l'union sacrée) dans un discours au parlement le 4 août 1914. Son rôle majeur dans la politique française se termina effectivement en novembre 1917, lorsqu'il décida qu'il était obligé de nommer son rival Georges Clemenceau premier ministre. Non seulement jusqu'à la fin de la guerre mais tout au long des débats autour du traité de Versailles à la Conférence de paix de Paris (janvier-juin 1919), Clemenceau tient Poincaré à distance. Les chambres législatives proclament à l'unanimité le 11 novembre 1918 que Clemenceau et le maréchal Ferdinand Foch ont mérité le «mérite de la Nation»; mais Poincaré dut attendre janvier 1920 pour recevoir le même hommage.

CARRIÈRE APRÈS-GUERRE

Après la fin de sa présidence en 1920, Poincaré décida qu'il avait toujours un rôle actif à jouer en politique et se présenta pour sa réélection en tant que sénateur de la Meuse. Il a été renommé Premier ministre en 1922 et a de nouveau pris en charge les affaires étrangères. Il fut alors confronté à l'application des restrictions du traité de Versailles, car l'Allemagne manifestait une réticence à payer des réparations. De plus, Poincaré et le maréchal Foch préconisaient une forte présence française en Rhénanie, en désaccord avec Clemenceau, qui souhaitait dans un premier temps séparer la rive gauche du Rhin de l'Allemagne. Mais la situation était favorable à la politique de Poincaré et en 1923, après que l'Allemagne n'ait pas effectué les paiements de réparations prévus, il ordonna l'occupation de la Ruhr. S'il a causé de grandes difficultés à l'Allemagne, le déploiement coûteux des troupes a également marqué le début de graves problèmes financiers pour la France; de plus, les États-Unis et l'Angleterre s'y opposent fermement. Pour payer l'occupation, Poincaré a dû percevoir une augmentation considérable des impôts, ce qui est devenu l'une des raisons pour lesquelles il a été vaincu aux élections de 1924 par une coalition réunifiée de partis de gauche. Cependant, deux ans plus tard, la situation financière catastrophique du pays le ramena au pouvoir. Il confie les affaires étrangères à Aristide Briand, qui mène une politique de conciliation avec l'Allemagne, tandis qu'il prend en charge les finances.

La politique économique rigoureuse de Poincaré a porté ses fruits. La guerre avait été financée principalement par des emprunts et, en 1928, après qu'une grave dévaluation du franc l'avait réduit à environ un cinquième de sa valeur de 1914, la situation économique s'était améliorée. La création du Franc-Poincaré est restée un symbole de la reprise financière de la France, soutenue par une nette reprise économique. Lorsque Poincaré a pris sa retraite pour des raisons de santé, la France semblait avoir retrouvé une certaine stabilité. Au moment où il mourut en 1934 à l'âge de soixante-quatorze ans, cependant, le pays souffrait des effets de la crise économique mondiale.