Homme politique français.
Peu d'hommes politiques destinés à jouer un rôle de premier plan dans la réconciliation franco-allemande et dans l'intégration européenne auraient pu être mieux placés que Robert Schuman. Né au Luxembourg, il grandit à Metz qui, depuis la guerre franco-prussienne de 1870–1871, faisait partie de l'Allemagne. Il a fréquenté l'université de Bonn (avec Konrad Adenauer) et de Munich et a obtenu son diplôme en droit en 1912 de l'Université Humboldt de Berlin. Ayant survécu à la guerre, il retourna à Metz (redevenue ville française) en 1918 et, grâce à des contacts influents avec des magnats de l'acier, fut élu député pour la Moselle département (comté) en 1919. Pendant l'entre-deux-guerres, il a appartenu au Parti Républicain Populaire - une formation chrétienne-démocrate - et a consacré ses énergies à aider sa région à s'adapter à la vie en France.
Son amitié étroite avec le premier ministre Paul Reynaud (1878–1966) lui valut d'être nommé en 1940 au ministère des Réfugiés, mais sa carrière ministérielle fut de courte durée. Conservateur de longue date, il sympathisa et rejoignit brièvement le régime de Vichy de Philippe Pétain (1856–1951) mais partit pour jouer un rôle mineur dans la Résistance, s'associant au mouvement populaire républicain chrétien-démocrate (Mouvement Républicain Populaire, ou MRP ). Élu au Bureau national du MRP en 1945, Schuman a rapidement acquis une notoriété nationale, notamment après son retour au parlement plus tard cette année-là pour son ancienne circonscription de Moselle. L'année suivante, il est nommé ministre des Finances, poursuivant des politiques libérales classiques destinées à freiner l'inflation et à renforcer le franc. Mais l'instabilité du système de partis français sous une coalition tripartite de communistes, socialistes et chrétiens-démocrates n'a pas pu résister au déclenchement de la guerre froide (1945-1989). Après l'exclusion des communistes du gouvernement en 1947, Schuman devint Premier ministre de novembre à juillet 1948. À ce poste, il lutta contre les grévistes communistes et une crise financière en cours, que temporairement évité par sa négociation d'une aide provisoire de la Etats-Unis en attendant l'arrivée de l'aide via le plan Marshall.
Par la suite, il a été nommé ministre des Affaires étrangères, poste qu'il devait dominer sous dix administrations successives jusqu'en janvier 1953, l'un des rares exemples de stabilité ministérielle dans la malheureuse IVe République. C'est dans ce poste qu'il a réalisé l'essentiel du travail qui reste associé à son nom. Schuman a adopté un double programme: l'atlantisme et l'européisme. Cultivant des liens étroits avec l'ambassadeur américain Jefferson Caffery, il a contribué à soutenir à la fois le plan Marshall et la création de l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord (OTAN), dont il a assuré la ratification par un discours passionné au parlement en juillet 1949. Cependant, il avait doutes quant à la politique américaine en Corée.
Mais c'est sa contribution à l'intégration européenne qui lui a assuré sa place dans l'histoire. En tant qu'enfant à la fois de l'Allemagne et de la France, il sentait plus que quiconque que la réconciliation était la seule politique. C'était la résistance au désir ambiant français de restreindre la production allemande de charbon et d'acier qui avait conduit à la chute de son propre gouvernement en 1948. Mais Schuman comprenait politiquement ce que l'économiste français Jean Monnet (1888–1979) avait conçu de manière pragmatique: ce les mesures contre la production allemande sont préjudiciables à la France et à toute l'Europe. Il a donc adopté le programme de Monnet pour la mise en commun du charbon et de l'acier dans la Communauté européenne du charbon et de l'acier (CECA) et a mis son propre nom derrière le «plan Schuman». Dans son discours de lancement du plan en mai 1950, il déclara: "La paix mondiale ne peut être sauvegardée sans des efforts créatifs proportionnés aux dangers qui la menacent.… Le rapprochement des nations d'Europe passe par l'élimination du opposition de la France et de l'Allemagne. " La mise en commun du charbon et de l'acier, a-t-il conclu, «montrera clairement que toute guerre entre la France et l'Allemagne devient non seulement impensable mais matériellement impossible». L'objectif était avant tout politique; la méthode économique et industrielle. Voilà, en un mot, l'essence initiale du projet d'intégration européenne. Schuman a continué à défendre l'autre idée originale de Jean Monnet, la Communauté européenne de défense (mort-née), une position qui a finalement conduit à son départ du gouvernement français. C'est surtout son attachement à un universalisme catholique et sa croyance en la valeur de la civilisation ouest-européenne, qu'il considérait comme menacée par le communisme, qui ont poussé Schuman vers ses positions européanistes.
La volatilité de la vie politique sous la IVe République a gravement perturbé l'une de ses carrières les plus prometteuses. Bien que Schuman ait brièvement servi comme ministre de la Justice en 1956–1957, son influence politique a pris fin avec le retour au pouvoir de Charles de Gaulle (1890–1970) en 1958. Cependant, à juste titre, il a été élu pour être le premier président du Parlement européen en 1958. Il est décédé en 1963.
La place principale au cœur des institutions de la Communauté européenne à Bruxelles, avec la Commission européenne d'un côté et le Conseil européen de l'autre, porte le nom de Schuman. En 2004, en reconnaissance de son dévot catholicisme, le pape Jean-Paul II (r. 1978–2005) a mis en marche le processus qui pourrait mener à sa béatification.