Cassin, rené (1887–1976)

Juriste français.

René-Samuel Cassin a contribué à faire des droits de l'homme la base sur laquelle l'ordre européen d'après 1945 a été reconstruit. Il est né en 1887 dans la ville de Bayonne, dans le sud-ouest de la France, dans une importante famille juive. Il a suivi une formation en droit, mais son travail professionnel a été interrompu par le déclenchement de la Première Guerre mondiale en 1914. Il a rejoint le 311e régiment d'infanterie, a été promu au grade de caporal et a servi dans le secteur français à l'est de Verdun à Saint- Mihiel. Le 12 octobre 1914, il est grièvement blessé. En raison du système médical chaotique de l'époque, il a dû être soigné dans sa garnison d'origine dans le sud de la France. D'une manière ou d'une autre, il a réussi à survivre au voyage de XNUMX kilomètres par route et par rail malgré une blessure à l'estomac et a subi une intervention chirurgicale sans anesthésie.

Pendant sa convalescence, Cassin a décidé de travailler avec et pour le compte de ses camarades qui avaient été blessés en service actif. Cela a conduit à la création d'une série d'organisations d'anciens combattants, qui réclamaient un meilleur traitement et de meilleures pensions comme un droit et non un privilège. Il a également créé une association au profit des orphelins de guerre, afin que les fils d'agriculteurs ou d'ouvriers n'ayant pas survécu à la guerre aient la chance de bien démarrer dans la vie. Ces activités ont confronté Cassin à la récalcitrance et à l'indifférence de la bureaucratie française.

Cette lutte pour la justice naturelle a créé quelque chose de nouveau dans les affaires européennes: un mouvement pacifiste d'anciens combattants. Les républicains français comme Cassin considéraient que c'était l'œuvre de leur vie de s'assurer que leurs fils n'auraient pas à entrer la boucherie- l'abattoir - de la guerre moderne.

De 1924 à 1938, Cassin représenta le plus grand mouvement d'anciens combattants français, l'Union Fédérale, avec deux millions de membres, dans la délégation française à la Société des Nations. Parallèlement, il prend l'initiative de créer une organisation internationale d'anciens combattants, qui se réunit pour la première fois à Genève en septembre 1926.

Alors qu'il servait à Genève, Cassin avait une vision de premier plan de la fragilité d'une institution politique internationale qui contestait la suprématie de la souveraineté de l'État. Il a vu à quel point les approches conventionnelles du pouvoir étatique débridé étaient enracinées ultima ratio des affaires internationales. Son patriotisme était incontestable, mais il n'avait pas du tout le temps pour ce qu'il appelait «l'obstination ordinaire des vieilles idées qui, au nom de la souveraineté absolue des États, se déversent directement dans la construction des armements, dans la politique du prestige, et puis à la guerre »(Agi, p. 188).

En mai 1940, il était le conseiller juridique du ministère de l'Information dans le gouvernement français assiégé sous le Premier ministre Paul Reynaud. Après la chute de la France, Cassin s'est enfui en Angleterre. Là, il rencontre Charles de Gaulle (1890–1970), qui l'embrasse comme son conseiller juridique. Cassin a dressé un acte d'accusation du nouveau régime de Vichy comme illégitime, un État voyou dont le bref était juridiquement nul et non avenu. Le gouvernement du maréchal Philippe Pétain était de facto et non de jure; la République n'était donc pas morte, elle avait été usurpée par les traîtres qui avaient signé l'armistice avec les nazis. Ce document de Gaulle a présenté à Winston Churchill quarante-huit heures après sa première rencontre avec son nouveau collègue juriste. Puis de Gaulle demanda à Cassin d'esquisser la structure d'une République de l'ombre, une administration en exil. Cet organe revendiquait l'autorité légitime de parler au nom de la France et de perpétuer les traditions de la Révolution française et de la République trahies par les collaborateurs de Vichy.

Dans cette organisation, Cassin était partout, et son rôle était encore plus honoré par la décision d'un tribunal de Vichy de le condamner pour trahison et de le condamner à mort par contumace. Le 29 juillet 1940, Cassin commença à diffuser pour la BBC. Il était responsable de la publication du Journal officiel de la France libre, le bilan du Congrès du gouvernement en exil. En novembre 1940, il est nommé secrétaire permanent du nouveau Conseil français de la défense et assiste à ce titre à de nombreuses réunions sur la forme future et la reconstruction de l'Europe. Il fut l'architecte de la Conférence administrative de la France libre, le groupe projetant le retour de la «vraie» République sur le continent européen. Il était responsable du maintien des liens avec les colonies françaises et les dominions outre-mer. En 1944, il occupe trois portefeuilles au sein du nouveau comité national français, celui de la justice, du droit et de l'instruction publique, tous des organismes essentiels pour restaurer la culture politique française après le cauchemar de la défaite, de l'occupation et de la collaboration.

Grâce à ces messages, il a participé aux discussions interalliées sur les procès pour crimes de guerre et sur l'avenir du monde d'après-guerre. C'est là que la question des droits de l'homme est apparue comme la seule base d'une future paix durable. La forme précise que prendront ces nouveaux engagements en faveur des droits de l’homme n’est pas claire, mais il est évident que les Nations Unies nouvellement constituées reconnaissent la nécessité d’une telle affirmation.

Trois ans plus tard, au Palais de Chaillot à Paris, Cassin l'a fourni. En collaboration avec l'ancienne Première Dame Eleanor Roosevelt et d'autres, il a reformulé l'un des textes fondateurs centraux de la Révolution française, la Déclaration universelle des droits de l'homme. Le 9 décembre 1948, il a lu ce document aux Nations Unies réunies à Paris, qui l'ont accepté le lendemain.

La forme de l'engagement était limitée. C'était une déclaration et non une convention, et évitait ainsi le risque de se heurter à des revendications de souveraineté étatique encore fortes en 1948. Mais au cours des prochaines décennies, ces revendications ont été étouffées par d'autres développements. L'Union européenne est née et, pour donner vie à son projet, Cassin a contribué à l'institutionnaliser au sein du nouvel ordre européen. De 1965 à 1968, il a présidé la nouvelle Cour européenne des droits de l'homme. À la fin de son mandat, il a reçu le prix Nobel de la paix. Il mourut en 1976 et, sept ans plus tard, ses restes furent transportés au Parthénon pour se trouver en état avec d'autres héros de la République française.